La forge neuve

FER - FONTE - ACIER

L'INDUSTRIE A L'ANGLAISE - HOUILLE, FER, VAPEUR

Du fer !

Turgot*, Ministre des Finances éclairé de Louis XVI, manqua d'éloquence pour rallier les alliés du pouvoir à sa politique d'économie et de mise en valeur des richesses du royaume : "le fer n'est pas seulement une denrée de consommation utile aux différents usages de la vie; le fer qui s'emploie en meubles, en ornements, en armes, n'est pas la partie la plus considérable des fers qui se fabriquent et se vendent, c'est surtout à la pratique de tous les arts sans exception que ce métal est si précieux, si important dans le commerce"*: Turgot est renvoyé le 12 Mai 1776.

La France bien que le plus important royaume d'Europe, le plus riche, bien équipé en routes et en canaux, trois fois plus peuplé que le Royaume Uni anglais, n'a pas de port équivalent à Londres, la plus grande ville du monde atteint déjà le million d'habitants. L'Angleterre est en pleine expansion de ses productions industrielles et agricoles, ses ressources nationales vont s'épuiser mais son commerce national, colonial, international va décupler.

Les nombreux fourneaux français* au bois signalés en 1788 produisent relativement moins que les 77 hauts-fourneaux britanniques presque tous au COKE (houille distillée). Le grand naturaliste Buffon fait installer une forge modèle sur son domaine forestier de Montbard (CO) en 1768 et tente d'améliorer la production du fer : "Avec une mine qui donnait le plus mauvais fer de la Bourgogne, j'ai fait du fer assez ductile, aussi nerveux, aussi ferme que les fers du Berri, qui sont réputés les meilleurs de France,"* Il eut en vue de préparer l'avenir en participant, en 1779, à la constitution d'une société pour introduire l'usage de la HOUILLE dans la sidérurgie française.

Suivant la politique de Turgot, l'artillerie royale* , suivie des savants Jars et Duhamel, visite en 1775, les forges évoluées anglaises. Pour suppléer à la nouvelle fonderie de canons de Ruelle (Charente), le capitaine de la Houlère, fait venir William Wilkinson*, frère du célèbre inventeur industriel John Wilkinson pour créer en 1777 la fonderie de canons d'Indret en aval de Nantes sur la Loire. Les canons de fonte de fer de seconde fusion, seront refondus dans des fours à REVERBERES* à tirage naturel, chauffés à la HOUILLE* (charbon de terre) tirée des mines régionales et véhiculée par eau.

De la houille :

Ce nouveau procédé de SECONDE FUSION pour la fonte de fer vient d'Angleterre, il permet d'élaborer des alliages de fontes de diverses provenances et libère le canon du moulage direct à la base de l'énorme haut-fourneau obligatoirement intégré à un site spécifique, souvent difficile d'accès et de sortie des lourdes pièces produites. La mise en oeuvre, saisonnière, lente et coûteuse d'un haut-fourneau, impose un grand territoire à exploiter, des centaines d'ouvriers à diriger, un large savoir-faire... alors que "Cette refonte donnait d'ailleurs des produits d'excellente qualité, supérieurs aux canons de première fusion."*

Les canons de bronze, plus coûteux mais plus faciles à couler n'avaient pas ces qualités : "ils s'usaient vite, la lumière s'élargissait, les tourillons cassaient, l'âme se rayait et se déformait. Il fallait les refondre."* Par contre ces canons de fonte de fer restaient plus sensibles aux éclatements : "A l'égard des canons de fer, on les construit de la même maniere que les autres. Ils ne sont pas capables de la même résistance que ceux de fonte [de bronze] ; mais comme ils coûtent beaucoup moins, on s'en sert sur les vaisseaux, & même dans différentes places de guerre"*(Encyclo).

Au 18ème siècle les vaisseaux du roi , batteries flottantes surchargées de canons, furent tous équipés de canons de fonte de fer. Les canons anglais de fonte de fer reprennent alors le procédé de coulée de la "fonte de cuivre" (bronze) dans un four à réverbère au bois, en adaptant ce four à la houille pour le "fer": "On l'appelle réverbère parce que la flamme qui se joue dans la voûte, réverbère et refoule son activité sur le métal"* (Encyclo).

L'exploitation de la houille en Angleterre conduit au développement des premières MACHINES A VAPEUR atmosphériques, dites alors pompes à feu (Savery puis Newcomen), pour l'exhaure des mines de plus en plus profondes :
"Le jeu de cette machine est très-extraordinaire, & s'il falloit ajoûter foi au système de Descartes, qui regarde les machines comme des animaux, il faudroit convenir que l'homme auroit imité de fort près le Créateur, dans la construction de la pompe à feu, qui doit être aux yeux de tout cartésien conséquent, une espece d'animal vivant, aspirant, agissant, se mouvant de lui-même par le moyen de l'air, & tant qu'il y a de la chaleur."...
"les Anglois s'en servent aussi dans leurs mines de charbon ; mais ils ne s'en servent plus pour élever les eaux de la Tamise, & cela pour deux raisons, parce qu'elle consume trop de matiere, & qu'elle enfume toute la ville
." (Encyclo.)

Les fontes pour Indret peuvent venir d'Angleterre ou de Suède par la mer, d'excellentes fontes viennent aussi du Périgord ou, par la Loire, du Berry, les fontes de Bretagne viennent par l'affluent Erdre. Cette usine sera la première usine du continent à adopter avec succès les techniques anglaises. Les fonderies de seconde fusion se développeront encore avec l'invention du cubilot par John Wilkinson en 1794, haut-fourneau au coke de petite dimension pour des moulages divers à partir de fontes de récupération ou autres.

La machine à vapeur :

L"Officier-Ingénieur du Roi" Ignace de Wendel (1741/1795) d'une lignée de maîtres de forge lorrains, qui aurait expérimenté le premier haut-fourneau français au coke* mêlé à du charbon de bois à Hayange (Moselle) préconise la construction de hauts-fourneaux au COKE d'invention anglaise pour alimenter Indret*. En 1782 le ministre de la marine Sartine envoie alors William Wilkinson et l'ingénieur Toufaire pour construire quatre hauts-fourneaux au Creusot. De Wendel prend la direction d'Indret puis part au Creusot en 1785 pour le démarrage du premier fourneau au coke*, "Les machines à feu qui font mouvoir les soufflets, les marteaux de Montcenis [ Le Creusot] suppléent aux cours d'eau dont se servent les autres forges du royaume. On évite ainsi tous les chômages [ ...] L'établissement de Montcenis n'emploie pas d'autre combustible que le charbon de terre, dont les mines existent dans presque tout le royaume,.."* (enquête du Bureau du Commerce 1788).

Indret sera aussi équipée d'une POMPE A FEU de soufflage d'air, des VOIES FERREES* (rails ponts roulants) desserviront les ateliers. Pour compléter la forerie hydraulique et à manège de chevaux, une première MACHINE A VAPEUR* anglaise est installée à Indret en 1788 pour forer l'âme des canons (non plus des pompes à feu atmosphériques Newcommen mais des machines alternatives Watt plus économiques, à travail rotatif souple, rapide, régulé : forerie Wilkinson brevet du 27.01.1774)*.

Certains mécanismes sont entrainés par des engrenages en fonte, c'est une suite d'innovations; on y fondra les canons Gribeauval*, depuis deux siècles les canons n'avaient que peu évolué, l'ingénieur d'artillerie Jean Baptiste Vaquette de Gribeauval nommé inspecteur général en 1764 puis démissionaire et rappelé en 1776, met au point une artillerie de campagne allégée (souvent en bronze) , standardisée, étudiée en détail pour être mobile et efficace, organise des trains d'artillerie; sur sa demande un prodigieux fardier AUTOMOBILE, première automobile, était expérimenté, sans succès, en 1769 par Cugnot.

Cette modernisation Gribeauval, retardée par les partisans du pesant système Vallière, ne sera effective qu'en 1791 et, "vive le son du canon", servira victorieusement la République et encore Napoléon jusqu'en 1815 : la Suède, puis en 1793 l'Angleterre, adopteront la même artillerie. Napoléon avait délaissé Ruelle, mais à la Restauration cette fonderie "de fer" bénéficiera de la houille et autres innovations; comme Indret l'usine est toujours en activité sous la Direction Technique des Constructions Navales.


phpMyVisites : logiciel gratuit de mesure d'audience et de statistiques de sites Internet (licence libre GPL, logiciel en php/MySQL) phpMyVisites

Page Précédente

Table des Matières

Page Suivante

© Georges Vanderquand
(2000)